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Pourquoi anticiper toute commande de travaux ?

Dégâts des tuiles de toiture constaté par Mr. Stricklesse

Le chantier est l’ultime phase cruciale durant laquelle un projet figé sur papier et tant attendu se cristallise enfin ; quelle qu’en soit sa taille, son objet consiste à fournir à l’activité humaine un cadre de vie valorisant et apte à affronter les défis de demain.

Participeront à cette noble aventure 3 intervenants : un maître d’ouvrage, un maître d’œuvre – bien souvent un architecte – et une entreprise qui peut être constituée d’une multitude d’artisans et/ou d’ouvriers spécialisés dans les diverses disciplines requises par les travaux.

La collaboration, parfois houleuse, mais souvent heureuse, de ces diverses personnalités ne sera pas la seule difficulté que ces équipes devront affronter au cours de cette entreprise ; il faudra en effet parfois surmonter la défaillance des uns (faillite, décès, maladie, …), les aléas de l’économie (accident, pénurie, grève, etc.), les modifications du programme ou encore les restrictions budgétaires du maître de l’ouvrage, volontaires ou non.

Il semble qu’aujourd’hui, cet aspect épique de l’entreprise soit occulté par les préoccupations commerciales, voire mercantiles de cette mission, ô combien estimable, qui consiste à édifier des lieux dans lesquels nos enfants et les enfants de leurs enfants auront la lourde tâche de relever les défis du monde de demain.

Les 3 défis

La réussite d’un investissement en travaux de bâtiments se mesure au respect des objectifs définis par rapport aux trois grands paramètres que sont :

  • les coûts de construction,
  • les délais de réalisation,
  • la qualité de l’exécution.

C’est au cours du chantier qu’apparaissent les faiblesses de la programmation, des études, de la maîtrise d’œuvre et de choix malheureux.

Chaque opération est unique, est un prototype … pour des dizaines d’années toutefois, d’où la nécessité d’anticipations importantes.

L’enjeu de la qualité des ouvrages est énorme : 8 à 10 % du chiffre d’affaires du secteur du bâtiment. La majorité des sinistres et des gaspillages apparaît lors de la réalisation, mais leur origine se trouve souvent dans les phases d’études « en amont ».

La qualité du travail effectué dans les phases « amont » de programmation et de conception conditionne les coûts différés de l’ouvrage, durant son cycle de vie.

Il convient de souligner que le coût des études représente généralement un maximum de 10 % du coût des ouvrages, foncier non compris ; d’autre part, le coût des études et des ouvrages n’intervient que pour 15 à 20 % de l’ensemble des dépenses liées au coût global d’un bâtiment pour une durée de l’ordre de 100 ans.

 

Ces chiffres démontrent que les coûts de la matière grise sont donc quasi négligeables par rapport aux enjeux économiques ! Ils conditionnent le succès du projet. Il est fondamental d’y consacrer les moyens adéquats (rémunération et délais en particulier).

Il n’existe pas beaucoup d’autres moments de vive satisfaction que ceux lors desquels sont remises les clés qui d’une nouvelle demeure, qui d’un logement tant attendu, qui d’un hôpital, qui d’un espace public … les exemples sont légions.

A contrario, quelle gabegie lorsque « tout foire » à cause d’une explosion de coûts, de retards d’exécution, de défauts de construction ou d’un programme déficient.

La réalisation d’un chantier peut être comparée à la construction d’un nid ; celle-ci serait-elle défaillante que c’est toute la nichée qui est compromise.

Pour illustrer les difficultés rencontrées par les profanes en vue de tenter de maîtriser les divers aspects liés à la commande de travaux, voici une série de cas vécus.

Après les études, les rêves et les emballements, c’est ( enfin ! ) le chantier pour le passage à l’action ; quand tout est bouclé, c’est le passage au concret, pour lequel il n’y a ni répétition, ni seconde chance.

En d’autres termes, « cela passe ou cela casse » et l’expérience ou l’actualité nous apprennent que, dans de telles circonstances, il y a de nombreux déboires.

En France, les Tribunaux ont à connaître 27.000 litiges et 12.000 faillites par an, chiffres qui croissent nettement ces dernières années.

Une récente émission de télévision, de TV5 Monde, consacrée à ce sujet, était intitulée « L’enfer des travaux » ; ce titre, certes accrocheur, est cependant révélateur du malaise qui touche de nombreux bâtisseurs ; l’émission montrait des chantiers qui avaient tourné au cauchemar : abandon de travaux, artisans incompétents, vices rédhibitoires, facturation anticipée,….

Toutefois, l’expérience incite à dire que tous les bâtisseurs ne sont pas logés à la même enseigne ; il n’en ressort pas moins que les plus exposés sont ceux qui construisent sans conseillers, pour la première fois. En effet, ils sont livrés à eux-mêmes, face aux agissements parfois peu scrupuleux d’entrepreneurs « cow-boys ».

Les quelques exemples suivants sont particulièrement révélateurs :

    • Un couple est propriétaire d’une villa cossue et, compte tenu de l’accroissement du coût de l’énergie, commande le remplacement des châssis existants auprès d’une firme bien connue, présente sur le marché belge depuis plus de 40 ans.
    • Le montant de l’investissement s’élève à 30.000 €.
    • La pose se passe mal alors que 97,5 % du prix a déjà dû être payé avant la livraison de la commande ; il s’avèrera que la pose fut exécutée par un sous-traitant nouvellement engagé.
    • Actuellement, une procédure de conciliation est en cours, mais le coût de celle-ci représente déjà ± 6.000 €, alors que le travail final restera loin d’être parfait car démonter, réparer et ajuster les châssis n’aura pas amélioré leur qualité finale.
    • L’intervention issue de la conciliation n’aura abouti qu’à limiter les dégâts.

    Conclusions :

    Un excès de confiance, un contrat à sens unique, un manque de préparation et un habile démarchage mercantile, alliés à un manque de contrôle et de surveillance des exécutants, auront perturbé pendant un an la vie d’une famille qui ne demandait que de nouveaux châssis.

    Pourtant, sur papier, tout était parfait, mais sur chantier ce fut autre chose !

    • Pour la remise en état d’une villa de caractère, datant des années 1960, la fille des primo bâtisseurs recourt aux services d’un architecte chevronné qui possède à son actif de nombreuses et sérieuses références.
    • Bien qu’aujourd’hui, âgé de ± 70 ans, il est lui-même fils d’un architecte renommé.
    • Des problèmes sournois de remontées capillaires affectent les murs enterrés, tandis que l’eau et le temps ont délité les marches d’un escalier extérieur en pierres.
    • La pérennité du bâtiment et le mauvais effet produit par le délabrement de l’escalier nécessitent l’intervention d’une firme spécialisée en la matière.
    • Peu au fait des techniques actuelles de lutte contre l’humidité, l’architecte n’étant pas un néophyte confie ces modestes travaux à l’entreprise qui était déjà intervenue il y a 40 ans et dont le titre de gloire est d’avoir sauvé Versailles des remontées d’humidité capillaire en 1923 …
    • Malgré une facturation de ± 4.500 € TVAC, le travail s’avère inefficace, inutile et constitue de surcroît « un coup de poing dans l’œil ».
    • Il s’avère que les produits utilisés étaient inadéquats et qu’ils furent placés sans aucune préparation préalable.

    Conclusions :

    Un excès de confiance dans une ancienne renommée, un manque de recherche des produits et placeurs adéquats, rendent actuellement problématique la mise en location d’une villa, dont le loyer mensuel peut être évalué à 2.500 €.

    Pourtant, sur papier, tout était parfait, mais à l’issue du chantier ce fut un désastre.

    • En vue de leur prochaine retraite, un couple commande l’extension de sa maison à une entreprise « clé sur porte – haut de gamme », bien connue en Belgique, pour un budget de ± 600.000 €.
    • Les promesses du vendeur confirment point par point les garanties « noir sur blanc » figurent dans les publications commerciales de l’entreprise, éditées sous forme d’un luxueux livret, rehaussé de splendides photographies, les unes plus engageantes que les autres. 
    • La réalisation est un désastre : la qualité des travaux ne répond ni aux attentes, ni aux promesses, les suppléments sont légions, la coordination des études est nulle, le contrôle des travaux lamentable, les retards d’exécution hallucinants, les malfaçons nombreuses, tandis que la pompe à chaleur – commandée en supplément - déforme le terrain, ne fournit pas les calories attendues mais génère des factures d’électricité de l’ordre de 5.000 €/mois.
    • Le budget dépasse maintenant 1.000.000 €, sans parler des frais d’expertise, d’avocat, de conseil et du désappointement du maître de l’ouvrage.

    Conclusions :

    A nouveau, un excès de confiance allié à l’empressement de brûler les étapes préparatoires, telles que définition précise du programme, des matériaux et des finitions, établissement de plans précis démontrent qu’un particulier, même quelque peu averti, se laisse surprendre par de belles et alléchantes promesses qui ne retrouvent bien sûr pas dans les documents contractuels, notablement indigents.

    Pourtant, sur papier, tout était parfait, mais sur chantier ce fut l’enfer.

Voilà quelques exemples désolants qui alimentent la chronique.

Cependant, ces maîtres d’ouvrage ne sont ni des imbéciles, ni des demeurés ; mais, faute de marche à suivre, ils paient lourdement et cash leur naïveté, leur quête de l’achèvement des travaux – tout, tout de suite - , dont ils ne mesurent pas les embûches car elles leur furent cachées.

Des démarcheurs ont parlé à leurs émotions, tandis qu’ils ont occulté la difficulté des travaux.

C’est en matière de construction qu’ils sont cobayes car, pour ce qui est du choix de leurs vacances, de leur voiture, de la machine à lessiver, etc., ils savent généralement comment s’y prendre.

En effet, à cette occasion, ils comparent les prix, les qualités, les couleurs, les ristournes … ; ils y consacrent des soirées entières, s’informent autour d’eux, etc., mais hélas en matière immobilière, toute cette prudence s’évanouit pour laisser place à la candeur, à la faiblesse de croire aux promesses flatteuses et creuses, pain béni des bonimenteurs et autres démarcheurs, plus soucieux de la croissance de leur chiffre d’affaires que d’un véritable service à la clientèle.

En matière de produits de grande consommation (voiture, électroménager, alimentation, tourisme, etc.), les associations de consommateurs sont actuellement parvenues à ce que ces exigences de prix, qualité et délais soient maintenant respectées par l’ensemble des fabricants ; pourquoi n’en serait-il pas de même dans le domaine de la construction, pour lequel les investissements, largement plus conséquents, s’amortissent pendant plusieurs décennies ?

D’un coût relativement modeste, au regard des économies possibles, des études préalables auraient pu réduire considérablement les risques encourus ; hélas, les entrepreneurs « à courte vue », - les cow-boys – se garderont bien souvent de donner pareil conseil.

Dans le domaine de la construction, la saine concurrence qui, dans d’autres secteurs, sert d’émulation entre les acteurs commerciaux n’existe pas, car difficile à mettre en pratique.

En effet, pour le même chantier, il est impossible de comparer les performances de deux ou plusieurs entrepreneurs car les indispensables bases (CDC, plans ...) de la comparaison sont encore virtuelles, de plus chaque construction est unique par définition ; par ailleurs, la comparaison ne serait vraiment utile que sur base d’un produit entièrement fini, ce qui est bien évidemment impossible au stade des demandes de prix.

Une analyse sereine, objective et préalable des documents contractuels serait d’autant plus opportune qu’à l’instar des pratiques commerciales courantes dans la grande distribution, certains entrepreneurs commencent à exiger d’être payés pour achever leur travail.

Dans le domaine de la construction pour les particuliers, on peut craindre que l’agressivité commerciale des entreprises, à l’éthique relative, ne fausse le jugement du futur bâtisseur qui se retrouve noyé dans une mer de termes pseudo-techniques, les uns plus savants que les autres. 

Les entreprises les moins scrupuleuses obtiennent ainsi son consentement et sa signature suite à une pression psychologique, faite de termes vagues et flous à propos des délais, prix, qualité et compétence, faisant perdre aux néophytes tout repère et sens critique.

La commande de travaux et le chantier constituent la période de tous les dangers, mais les écueils de ces phases cruciales de tout investissement immobilier, peuvent aisément être évités à condition qu’en amont  le Maître d’Ouvrage s’en donne la peine et les moyens.

La limitation des risques liés à la commande des travaux pourra être atteinte par un professionnalisme accru de la part des édificateurs ainsi que par un investissement du M.O. dans les postes suivants :

  • réflexion, analyse et définition précise des objectifs et budgets.
  • choix judicieux des concepteurs dont la rémunération représente de 10 à 15 % du coût des travaux.
  • choix mûrement raisonné de l’entreprise retenue sur base du meilleur rapport qualité/prix, sachant que sur une période de 90 ans, le coût de l’entretien et de la maintenance représentent 80 à 85 % de l’ensemble des dépenses.

Ces investissements financiers préalables sont modestes puisque les coûts d’étude et de construction  n’interviennent que pour 15 à 20 % dans l’investissement total, sur une période de 100 ans.

Il s’impose dès lors que chaque intervenant prenne conscience de son rôle et en assume la charge, à savoir pour les divers intervenants :

  1. le maître de l'ouvrage
    • doit définir son programme avec précision, le cas échéant, il s’entoure de spécialistes en la matière (architecte, programmeur, etc.).
    • doit fixer précisément son budget et son calendrier.
    • doit choisir avec discernement ses partenaires.
  2. le concepteur
    • a pour mission de traduire sous forme graphique et écrite le projet du M.O., dans le respect du budget, des règles de l’art et des règlements en vigueur.
    • s’efforce de concevoir une réalisation harmonieuse, conforme aux exigences sociétales.
    • contrôle la conformité de l’exécution des travaux vis-à-vis des documents contractuels.

et enfin l’entrepreneur doit mettre sa capacité et son expérience technique au service du projet, dans le respect des conditions du marché au point de vue qualité, délais et prix convenus.

On pourrait imaginer que le recours à des entreprises de promotion immobilière serait un moyen pour limiter les risques lors de la commande de travaux.

L’exemple des récentes mésaventures de deux couples, l’un jeune, et l’autre préparant sa retraite démontrera qu’il n’en est rien.

Tous deux ont fait l’acquisition d’un penthouse (225.000 € et 500.000 €), c’est-à-dire d’un appartement situé au niveau des toitures et disposant ainsi de belles terrasses très séduisantes, lesquelles furent l’élément déclencheur de l’achat. 

Faute d’un autre toit et pressé de s’installer dans sa nouvelle acquisition, le jeune couple s’est trop tard rendu compte que la mise en ordre des griefs, émis préalablement à la réception provisoire, n’est qu’une illusion trompeuse, puisque d’importantes moisissures sont très rapidement apparues sur la plupart des murs et plafonds de l’appartement.

Il est également apparu que :

  • la séduisante véranda, laquelle fit craquer Madame, était frappée d’une ordonnance de démolition ;
  • d’élémentaires mesures de sécurité au point de vue incendie n’étaient pas respectées ;
  • des travaux avaient été exécutés en infraction avec le permis de bâtir ;
  • la société de promotion était constituée par l’association de deux frères, l’un entrepreneur, l’autre architecte, ce qui est proscrit par la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d’architecte.

Quant à l’autre couple, il découvrit, lors de l’avancement des travaux, que les toitures seraient truffées de gaines techniques, souches de cheminée et autres extracteurs d’air et, cerise sur le gâteau, il constata la présence d’une colonne et d’une poutraison imprévues en plein milieu du  séjour…

Echaudés par ces déconvenues, les acquéreurs ont découvert une accumulation d’autres malfaçons et ont alors menacé de rompre le contrat, ce qui n’a perturbé ni le promoteur, ni l’architecte, ni l’entrepreneur.

Au contraire, le promoteur semblait ravi de l’opportunité de pouvoir se débarrasser de troublions pour pouvoir remettre le bien sur le marché duquel serait rapidement apparu un acquéreur plus accommodant.

De ces deux malheureuses expériences, il paraît raisonnable de conclure que :

  • L’achat d’appartement sur plan n’offre, en cas de problème, aucune protection aux acquéreurs qui deviennent alors les otages des promoteurs.
  • Certains notaires et architectes n’assurent guère le rôle de contrôleur que leur impose une loi spécifique (loi Breyne), édictée il y a près de 40 ans.
  • Les informations techniques mises à la disposition des acquéreurs, quant au produit fini, sont très lacunaires et les publications de démarchage sont bien souvent fort trompeuses, mais toujours séduisantes et accrocheuses quant aux « qualités et à l’exclusivité du bien ».

Il est consternant de constater qu’alors que son chantier fut un désastre un funeste entrepreneur n’avait pas hésité à écrire dans ses luxueuses publications promotionnelles : « … le maître de l’ouvrage … nous lâche la bride, faisant confiance à notre expérience et à notre professionnalisme pour ériger la maison de ses rêves … ».

Comme toujours, sur papier, tout est parfait mais, au cours de la phase chantier, le mercantilisme de la pré-vente, allié au manque de rigueur des édificateurs, transforme, à de trop nombreuses reprises, le rêve de tout bâtisseur en une horreur morale et financière.

Etant donné que de nombreux travaux sont exemptés de l’intervention d’architecte – malgré la loi de février 1939 – il parait nécessaire de suggérer qu’une et/ou des instances – telles les sociétés de crédit hypothécaires – sensibilisent les bâtisseurs aux diverses difficultés, évoquées ci-avant, et leur conseillent la plus grande prudence ou la consultation préalable de contrôleurs et/ou auditeurs accrédités.